- Qu’est-ce que j’apprends ? Vous voulez me mettre à la porte ?
- Vous mettre à la porte, chère amie ? Mais jamais de la vie, voyons !
- C’est pourtant ce que vous avez dit !
- Qu’est-ce que j’ai dit ?
- Que je vous empoisonnais la vie, à vous, à votre femme, à vos enfants, à tout le monde, quoi ! Voilà ce que vous avez dit ! Vous vous en souvenez ?
- Ah ! oui, c’est vrai … Excusez-moi, c’était dans un moment de colère …
- Mais ce qui est dit est dit !
- Ecoutez, vous êtes notre invitée, vous le savez. Depuis le temps que vous partagez notre vie, vous faites partie de la famille, il n’est pas question que vous …
- Alors pourquoi avez-vous dit que je vous empoisonnais la vie ?
- Pourquoi, pourquoi, je ne sais plus, moi …
- Il doit bien y avoir une raison, tout de même !
- Non, enfin … Peut-être … Bon, puisque vous insistez …
- Ah ! Vous voyez !
- Quand vous êtes arrivée à la maison, ça a été comme un rayon de soleil. Tout le monde vous a adorée. Votre charme, votre culture, votre humour, votre habileté à raconter des histoires ont séduit les petits et les grands …
- Heureuse de vous l’entendre dire ! Et ensuite ?
- Ensuite … Ne le prenez pas mal, mais il me semble que vous radotez un peu …
- Moi, je radote, c’est la meilleure !
- Oui, vous radotez, vous ronronnez, toujours à raconter les mêmes choses, à nous seriner des tas d’histoires qui ne nous concernent pas, qui finissent mal la plupart du temps, à sauter sans arrêt du coq à l’âne … Sans compter qu’avec l’âge, vous mélangez le vrai et le faux ! Oh ! Et puis j’oubliais : votre morale à quatre sous, vos prétendus conseils, je ne les supporte plus, vous pouvez les garder !
- Mais c’est pour votre bien, votre santé, votre sécurité !
- Je sais ce qui est bon pour moi ! Arrêtez de nous prendre pour des demeurés, à la fin ! Vous voulez voter à ma place, peut-être !
- Vous voyez, vous vous énervez !
- Je m’énerverai si je veux et pour vous parler franchement, oui, vous nous empoisonnez l’existence ! Voilà, c’est dit !
- Bon, j’ai compris, vous voulez vous débarrasser de moi ! Mais je vous rappelle que c’est vous qui m’avez invitée. Moi, je ne demandais rien !
- Mais non, non, ne partez pas ... Pardon, je me suis emporté. C’est que nous ne pouvons plus nous passer de vous, maintenant. Restez, je vous en prie. Je regrette ce que j’ai dit.
- Bon, je reste. Mais vous ne savez pas ce que vous voulez !
- Je suis fatigué, je vais me coucher.
- Alors bonsoir. Et surtout n’oubliez pas de m’éteindre !
- Oui, oui, bonsoir … (Il éteint l’écran.) Ah ! Cette télévision, toujours à avoir le dernier mot, elle me tape de plus en plus sur les nerfs !
AG