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8 mai 2010 6 08 /05 /mai /2010 07:48

 

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La palisse

(La version en français est juste après)

 

L’Octavie arrive en courant chez la Jheanne, sa vosine.

 

̶  Ah ! Ma paur’ Jheanne, sais-tu c’qui m’arrive ?

̶  Et qui don ? O y a peursounne de malade, au moins ?

̶  Non point ! Ah ! si tu savais, si tu savais !

̶  Mé enfin, qui qu’o y a ? Ta, assis-tou … (A s’assit.) Là, o va meux ?

̶  Ah ! I en sais rin …

̶  Tu veux une goutte, un cassis ?

̶  Peur me r’mett’, o m’faurait quèque chouse de raide …

̶  De l’eau d’vie ? Si tu veux. Ol’est une bounne idée. I allant trinquer !

(La Jheanne apporte les deux verres. A bouévant toutes deux.)

̶  A la tenne ! … Ca, o fait dau ben ! … Bon avour, me diras-tu c’qui s’passe ?

̶  Voui, voui … Tu t’souvins qu’i t’avais dit qu’i v’lais faire éléguer la palisse de la pièce de l’Eau qui Dort, derrière la maison …

̶  Voui, tu m’en avais parlé.

̶  I sès allée vouère Zidore peur y d’mander si le v’lait m’la tailler, mé l’m’a dit que l’zou fasait pus.

̶  Pas étounant à soun’ âghe ! L’a quatre-vingt-thienze ans !

̶  P’t’êt’ ben, mé l’est cor’ vaillant. L’fait son jhardin tout seul ! … Enfin sû thièes enteurfaites, i ai cherché sû l’annuaire.

̶  Et pis ?

̶  I ai trouvé un gars qui zou fait. Le d’meure à Broute-Lumas, un Grimaud.

̶  D’la famille de défunt Grimaud qu’était maréchal à Taupignac ?

̶  Non, tu l’counnais pas. L’est rinque arrivé dans l’villaghe. Et pis tu sais, tu perds pas grand chouse !

̶  Ah ?

̶  L’est v’nu aneut, un grand chadâ de dix-huit ou vingt ans ac sa machine. I y ai fait vouère où qu’ol tait, pis i sès ben vite rentrée pace qu’ol’tait l’heure de mon feuilleton.

̶  Derrick ?

̶  Voui.

̶  I le r’gârde mo tou.

̶  Ah ! L’a pas mis d’temps ! Une demi heure pus tard, volà mon gars qui s’amène. Ol’est fait ? Qu’i y d’mande. Oui, que l’me dit. T’as eu vite fait, mon drôle qu’i y dit. Combin qu’i t’doués ? Cinquante euros, que l’me répond. Bon. I y dounne soun’argent, y paye à bouère et pis i sortant tous deux peur vouère c’que l’avait fait …

̶  Et pis ?

̶  Ah ! Ben là, si tu voyais ça ! Echareuillée, massacrée, qu’al ‘est ma palisse, une abomination ! Une ouvraghe ni faite ni à faire ! Ol’ est d’minme que tu travailles ? qu’i y ai dit. Oui, que l’me répond, avec la machine, ça va plus  vite ! Sûr qu’o va pus vite, mais tu m’as fait là un travail de gavignat ! Et la d’ssus, i attrappe une oussine de noisstier qui m’sert peur mes cheubes, et i y en fout une volée sû l’échine que l’s’en souvinra un moument !

̶  Tu y es pas allée d’main morte !

̶  Tu m’counnais, i fais pas les chouses à motié ! Je vais le dire aux gendarmes ! que l’me dit en s’carapatant ! I m’en fous, qu’i y réponds, va zou dire si tu veux, bon à rin, graine de voyou !

̶  Mé si l’zou dit aux ghendarmes, tu vas avoir daus embêt’ments !

̶  Ca, o m’étounn’rais  ben!

̶  Paraît qu’le nouveau brigadier est pas fin !

̶  Tu sais qui qu’ol ‘est, l’nouveau brigadier?

̶  Ma foué non.

̶  Ol est l’drôle à la Lonore.

̶  La Lonore Sicard qui d’sort de Pied d’Grole ?

̶  Tout jhuste , la Lonore Sicard. Tu sais qu’al est ma camarade de communion !

̶  I zou savais pas …

̶  Si fait. Alors son drôle, le Gustin, tout brigadier qu’lest, tu penses ben que l’me fait pas pour ! I l’ai vu que l’marchait pas cor ! Ol’tait un drôle de citoéyen, ah voui ! Une bêtise attendait pas l’aut’.  Sa mère et moué, i y avant foutu mè qu’d’une fessée ! Seigneur, l’y en a fait vouère à la paur’ Lonore ! Ta, i y r’songhe :   t’avais ben entendu parler d’la geurnouille que quèqu’un avait mis dans l’bénitier, à l’église jhuste avant la messe de Pâques?

̶  Voui, voui, o y a d’ça … trente ans, pt’ête ben ! Ol’ a jhamais su qui qui z’avait fait …

̶  Eh ben, ol’tait mon Gustin qui z’avait fait ! Moué i z’ai vu. I étais dans le confessiounal, que l’thiuré était en train d’me dounner l’absolution. En boulitant peur la porte, i voués l’ Gustin qui fout la gueurnouille dans l’eau et pis qui jhoue rippe en rigolant tout c’que l’savait !

̶  T’as rin dit ?

̶  Non point. I ai rin dit à peursounne. Tu comprends, sa paur’ mère v’nait d’perd’ soun’ houmme à la guerre, al avait pas besoin d’ça peur dessus l’marché !

̶  T’as  eu raison … Ol’ tait don li !

̶  Eh voui ! Alors tu comprends, si l’vins m’causer d’Grimaud, l’entendra parler dau pays ! Et moun’ oussine, al est jhamais ben loin, i peurrais ben y caresser les côtes à li étou ! Ol’est quand même pas les drôles qu’allant c’mmander !

 

AG


 

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La haie

 

Octavie arrive en courant chez Jeanne, sa voisine.

 

 

̶  -Ah ! Ma pauvre Jeanne, sais-tu ce qui m’arrive ?

̶  -Et quoi donc ? Personne n’est malade, au moins ?

̶  -Non, non. Ah ! Si tu savais, si tu savais !

̶  -Mais enfin, qu’est-ce qui t’arrive ? Tiens, assieds-toi … (Elle s’assied.) Là, ça va mieux ?

̶  -Ah ! Je ne sais pas …

̶  -Tu veux une liqueur, un cassis ?

̶  -Pour me remettre, il me faudrait quelque chose de fort …

̶  -De l’eau de vie ? Si tu veux. C’est une bonne idée. Nous allons trinquer.

(Jeanne apporte deux verres. Elles boivent.)

̶  A la tienne ! Ca fait du bien ! … Bon, maintenant, me diras-tu ce qui se passe ?

̶  -Oui, oui … Tu te souviens que je t’avais dit que je voulais faire élaguer la haie du champ de l’Eau qui Dort, derrière la maison …

̶  -Oui, tu m’en avais parlé …

̶ - Je suis allée voir Isidore pour lui demander de venir me la tailler, mais il m’a dit qu’il ne le faisait plus.

̶  -Pas étonnant, à son âge ! Il a quatre-vingt-quinze ans !

̶  -Peut-être, mais il est encore vaillant. Il fait son jardin tout seul ! … Enfin, sur ces entrefaites, j’ai cherché dans l’annuaire.

̶  -Et puis ?

̶  -J’ai trouvé un homme qui le fait. Il habite à Broute-Lumas, un Grimaud.

̶  -De la famille de défunt Grimaud qui était maréchal à Taupignac ?

̶ - Non, tu ne le connais pas. Il est juste arrivé dans le hameau. Et puis tu sais, tu ne perds pas grand-chose !

̶  -Ah ?

̶  -Il est venu aujourd’hui, un grand gaillard de dix-huit ou vingt ans avec sa machine. Je lui ai fait voir l’endroit, et puis je suis bien vite rentrée parce qu’il était l’heure de mon feuilleton.

̶  -Derrick ?

̶ - Oui.

̶  -Je le regarde moi aussi.

̶ - Ah ! Il n’en a pas eu pour longtemps ! Une demi heure plus tard, le voilà qui revient. C’est fait ? je lui demande. Oui qu’il me répond. Tu as eu vite fait, mon garçon, que je lui dis. Je te dois combien ? Cinquante euros. Bon, je lui donne son argent, lui paie à boire et puis tout deux nous sortons voir le travail …

̶  -Et alors ?

̶  -Ah ! Si tu voyais ça ! En miettes, massacrée, voilà comment elle est, ma haie, une abomination ! Un travail ni fait ni à faire ! C’est comme ça que tu travailles ? que je lui dis. Oui, il me répond. Avec la machine, ça va plus vite ! C’est sûr, mais tu m’as fait là un travail de cochon ! Et là-dessus, j’attrape une baguette de noisetier qui me sert pour mes chèvres, et je lui en mets une volée qu’il n’est pas prêt d’oublier !

̶  -Tu n’y es pas allée de main morte !

̶  -Tu me connais, je ne fais pas les choses à moitié ! Je vais le dire aux gendarmes ! qu’il me dit en se sauvant. Ca m’est égal, que je lui réponds, va le dire si tu veux, graine de voyou !

̶  -Mais s’il le dit aux gendarmes, tu vas avoir des ennuis !

̶  -Ca, ça m’étonnerait bien !

̶ - Il paraît que le nouveau brigadier ne plaisante pas !

̶  -Tu sais qui il est, le nouveau brigadier ?

̶  -Ma foi non.

̶  -Le fils d’Eléonore.

̶  -Eléonore Sicard de Pied d’Grole ?

̶ - Tout juste. Eléonore Sicard. Tu sais qu’elle est ma camarade de communion !

̶  Je ne savais pas …

̶  -Si. Alors son fils, Augustin, tout brigadier qu’il est, tu penses bien qu’il ne me fait pas peur ! Je l’ai vu qu’il ne marchait pas encore ! Un drôle de citoyen, ah, oui ! Une bêtise n’attendait pas l’autre. Sa mère et moi, nous lui en avons donné, des fessées ! Seigneur, il lui en a fait voir de toutes les couleurs à la pauvre Eléonore ! Tiens, j’y songe : tu avais bien entendu parler de la grenouille que quelqu’un avait mis dans le bénitier, à l’église juste avant la messe de Pâques ?

̶  -Oui, oui … Ca fait … trente ans, peut-être. On n’a jamais su qui avait fait le  coup.

̶  -Eh bien, c’était mon Augustin ! Moi je l’ai vu. J’étais dans le confessionnal. Le curé était en train de me donner l’absolution. Au travers de la porte, je vois Augustin qui met la grenouille dans l’eau et se sauve en pouffant de rire.

̶  -Tu n’as rien dit ?

̶ - Non. Je n’ai rien dit à personne. Tu comprends, sa pauvre mère venait juste de perdre son homme à la guerre, elle n’avait pas besoin de ça par-dessus le marché !

̶  -Tu as eu raison … C’était donc lui !

̶  -Eh oui ! Alors tu comprends, s’il vient me parler de Grimaud, il entendra parler du pays ! Et ma baguette, elle n’est jamais bien loin, je pourrais bien lui caresser les côtes à lui aussi ! C’est quand même pas les enfants qui vont commander !

 

AG

 

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commentaires

S
<br /> <br /> J'ai même pas eu besoin de le lire en français, dans nos campagnes beaucoup de cultivateurs emploient encore ces mots. C'est savoureux comme langage.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> J'en suis heureux. Ici, cette langue ancienne n'a pratiquement plus cours. Les publications sont rares.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> bonjour<br /> <br /> <br /> je suis morte de rire ca ressemble au patois de chez nous... et je n'ai jamais rien compris à ce qu'ils disent... je suis de vendée...<br /> <br /> <br /> j'adore je vais la relire...<br /> <br /> <br /> bon week end sous le soleil... amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci. Il y a des différences, c'est vrai avec le parler vendéen, mais beaucoup de ressemblances aussi. Cela fait plaisir de voir que le patois suscite encore de l'intérêt. Amitiés. Alain<br /> <br /> <br /> <br />
:
<br /> <br /> ... et les vaches sautèrent par desuus la palisse ...<br /> <br /> <br /> Bon mardi ! Bisoux<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Ca pourrait être le refrain d'une chanson ! Bisous et bon mardi<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> COUCOU je passe te souhaiter une belle soirée<br /> <br /> <br /> je suis dans l'impossiblité de fixer longtemps<br /> <br /> <br /> à cause de ma migraine<br /> <br /> <br /> excuse ce copier /coller<br /> <br /> <br /> j'espère aller  mieux demain <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Merci Sonya. Je te souhaite de te remettre très vite de cette vilaine migraine. Bisous<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> extra ce patois.. ça requinque de lilre des tais ta ouare pareils!!!  Bisous et bonne nuit Alain!<br /> Sweety<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Merci Sweety. Bisous et belle journée<br /> <br /> <br /> <br />

Bonjour Et Bienvenue !

  • : La Plume Bleue
  • : La Plume bleue est un blog de poèmes et nouvelles écrits simplement au fil des jours, de l'actualité, des événements de la vie. Vous y trouverez également des textes en "parlanjhe" poitevin. Bonne visite !
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Bonjour et bienvenue !

Alain GAUTRON    

 

 

Mon second blog :

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Fables et écrits courts

 

 

 

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dessin PG 01

 

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  "La prose de la vie nous permet de survivre.

Mais vivre, c'est vivre poétiquement."

 

Stéphane HESSEL

(Le chemin de l'espérance)

 

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couverture

 

70 fables en vers

illustrées de photos en noir et blanc

par Yveline  (yg86)

150 pages

 

Ed. : TheBookEdition

 

Dans la rubrique "Rechercher un livre"

taper : FABLES

 

 

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à Line


Rechercher


L'homme d'un seul livre,

comment peut-il être libre ?

 

 

"Que la jeunesse y prenne garde !

Qu'elle n'aliène jamais sa conscience au bénéfice d'un parti, d'une idéologie, d'un homme !"

André Frossard


"La pollution de la planète n'est qu'un reflet extérieur d'une pollution psychique intérieure, celle de millions d'individus inconscients qui ne prennent pas la responsabilité de leur vie intérieure." Eckhart Tolle

Aplumedor

Merci Line

 

 

gentillesse

 

Merci Sonya


 

Blog d'or
décerné par Lee Rony
le 30/07/09
Je le remercie
très chaleureusement.





Coeur de l'Amitié
Merci à
Bilitis
et Channig



Certificat
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Merci à
Didier


certificat
prix-2010

Merci Emma

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Merci Sissi
plume bleue

PARLANGHE POITEVIN

 

 


L’imaginaire hameau de La Beurlandrie, de la non moins imaginaire commune de Taupignac, véritable petit « Cloche-Merle » du Poitou, nous livre ici tous ses secrets. Dans une suite de courtes histoires reliées un peu à la manière d’un roman, l’auteur nous raconte, dans une langue truculente, les dires, les faits et gestes, les espoirs et les déboires de La Jheanne, La Simoune, Le Bicognard, La Grimaude, le thiuré, Sébastien l’facteur, et pi bin d’autes…
Alain Gautron est né en 1948 et a passé toute son enfance à Charroux. Dans ses textes, il retrouve son parler familial, le poitevin méridional commun au sud-Civraisien (sud de la Vienne) et au Ruffécois (Charente poitevine). — Préface d’Yves Gargouil, maire de Charroux et vice-président du Conseiller général de la Vienne.
En fin d’ouvrage, Eric Nowak propose une petite étude sur la langue de l’auteur, et la resitue dans l’ensemble poitevin et saintongeais.

Editions PyréMonde juillet 2009

 

Vient de paraître :

 

 

Patois 01 Nowak

 

blason-Poitou-Charentes.jpg

Tour Charlemagne

Catégories

Merci de votre visite !

 

 

 

rose notes

 

 


DIFFERENCES


Toi qui repousses l'étranger,

A son encontre qui fulmines,

Pourrais-tu, plutôt que juger,

Considérer tes origines ?

 

Notre Histoire est un long voyage ...

Les peuples ont mêlé leur sang.

Aberration, ce "Pur Lignage",

Celui dont tu te dis l'enfant !

 

N'es-tu pas Celte ou  fils de Rome,

D'Afrique, berceau des Humains,

Etre cosmopolite en somme,

Riche de tes parents lointains ?

 

Rien ici-bas n'est étranger,

Et si la haine fait recette,

C'est que notre oeil est abonné ...

Au petit bout de la lorgnette !

 

Mille couleurs et  non l'unique

Font tout le charme d'un décor.

Pourrait-on parler de musique

S'il n'existait qu'un seul accord ?

 

Ce sang qui coule dans nos veines

Porte en lui tous les souvenirs

De la grande Famille Humaine

Et tant d'Amour qui veut grandir !

 

Toi qui repousses l'étranger,

A son encontre qui fulmines,

Pourrais-tu, plutôt que juger,

Considérer tes origines ?

 

AG

A bientôt !

 

oiseau de l'amitié

 

 


couronne noel








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Ferrat 03

 

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