Version en poitevin-saintongeais :
Ol’est l’histouère d’un gars, Trâlinet que l’s’app’lait. Ben toutes les neuts, céyiez-mou si vous v’lez, thiau citoyen s’ tournait en luma volant pr faire pour au monde !
Moun’ onclle Polyte l’a vu d’ ses yeux vu, un sèr’ vers mineut, que l’se rendait d’ battries. Thielle créature, que l’dit, était ben grousse coumme un p’tit goret, ac’ une coquille roughe et deux grandes ales d’agheasse. Et pis a volait de drette et pi d’gauche, à fasait dau sû piace, coumme suspendue en l’air, sans m’ner d’bru ...
Ol’est à la croix dau bois d’l’Epine que Polyte a vu thiau portrait qu’était là au-d’ssus d’sa tête en pien mitant dau ch’min.
“Tchi qu’tu fais là ? ”qu’o y a dit Polyte.
L’aut’ y a pas répond. L’s’a jhuste torné vers li en roulant daus grous yeux verts au bout d’ses cornes qui s’tortilliant coumme daus veurmines.
Nout’ gars était point manchot ni malhardi, mais i peux vous dire que les ch’veux commenciant à y dresser sû la tête !
Pis tout d’un coup, volà thielle créature qui fonce sû li ! Alors là, Polyte a fait ni une ni deux : l’attrape son fusil que l’tenait déjhà à coup prêt dèpis un moument, et Pan ! l’y en fout une buffée, et Pan ! une deuxième. Ah ! mes amis ! Tout le d’ssus d’la coquille dau luma a volé en miettes, et pis o y a eu coumme une grande éloise, un sîll’ment épouvantablle, et tout a disparu !
Volà l’affaire … mais ol’tait pas fini !
Le lend’main matin, o y avait un’ attroup’ment de’vant chez Trâlinet. Figurez-vous qu’sû sa maison, o y avait mê d’la motié daus tuiles qu’étiant parties, les lattes et les chebrons qu’étiant piens d’trous ! Peurtant o y avait eu thiette neut ni vent ni rin …
Ol’est d’minme que l’monde avant sû qu’ol’t’ait Trâlinet qui s’ tournait en luma volant.
Dèpis, peursounne a r’vu la bête. Mé si daus foués vous la voyiez, vous sarez qu’ol est li !
Traduction : L’escargot volant
C’est l’histoire d’un homme, Trâlinet qu’il s’appelait. Eh bien toutes les nuits, croyez-moi si vous voulez, ce citoyen se changeait en escargot volant pour faire peur aux gens !
Mon oncle Polyte l’a vu de ses yeux, un soir vers minuit alors qu’il revenait des battages. Cette créature, dit-il, était bien grosse comme un petit cochon, avec une coquille rouge et deux grandes ailes de pie. Et puis elle volait de droite et de gauche, faisait du sur-place, comme suspendue en l’air, sans faire de bruit …
C’est à la croix du bois de l’Epine que Polyte a vu ce portrait qui se tenait là au-dessus de sa tête en plein milieu du chemin.
“Qu’est-ce que tu fais là ?”lui a dit Polyte.
L’autre ne lui a pas répondu. Il s’est juste tourné vers lui en roulant deux gros yeux verts au bout de ses tentacules qui se tortillaient comme des serpents.
Notre homme n’était point manchot ni peureux, mais je peux vous dire que les cheveux commençaient à lui dresser sur la tête !
Et puis soudain, voilà cette créature qui fonce sur lui ! Alors là, Polyte n’a fait ni une ni deux : il attrape son fusil qu’il tenait déjà prêt depuis un moment, et Pan ! il lui tire dessus, et Pan ! une deuxième fois. Ah ! mes amis ! Tout le dessus de la coquille de l’escargot a volé en éclats, et puis il y a eu un grand éclair, un cri épouvantable, et tout a disparu !
Voilà l’affaire … mais ce n’était pas fini !
Le lendemain matin, il y avait un attroupement devant chez Trâlinet. Figurez-vous que sur sa maison, plus de la moitié des tuiles étaient parties, les lattes, les poutres étaient pleines de trous ! Pourtant, il n’y avait eu cette nuit-là ni vent ni rien …
C’est ainsi que tout le monde a su que c’était Trâlinet qui se changeait en escargot volant. Depuis, personne n’a revu la bête. Mais s’il vous arrivait de la voir, vous saurez que c’est lui !
Cette histoire est inventée, à l’imitation des contes de loup- garou qu’on racontait autrefois le soir à la veillée.
AG