Dans un lointain pays, voyant le temps passer,
On raconte qu’un loup quasiment centenaire,
Tout perclus de douleurs et ne pouvant chasser,
D’un troupeau de moutons devint propriétaire,
Espérant par ce biais assurer ses vieux jours.
Tout alla pour le mieux. Il vendait son fromage
Et la laine à bon prix aux fermes d’alentour,
Ayant pris soin de bien clore les pâturages.
Son peuple était paisible, à son pouvoir soumis.
Mais un jour il advint qu’un bélier de passage
S’arrêta converser avec quelques brebis.
Le loup tout aussitôt mit fin au bavardage,
Mais il était trop tard, le grain était semé !
Dès le matin suivant, les moutons refusèrent
De se rendre au pâtis, au cri de liberté ...
On le conçoit, le loup se mit fort en colère.
Cependant face au nombre, il était impuissant,
Aussi lui fallut-il recourir à la ruse :
“Comment manipuler ce grand troupeau bêlant ?
Il faudrait lui donner un sujet qui l’amuse !”
Se dit le vieux grigou. Il trouva et sourit :
Non loin de là vivaient, terreur du voisinage,
Semant crime et larcin, trois de ses vieux amis,
Etres sans foi ni loi, d’horribles chiens sauvages.
Le loup leur demanda, par une nuit sans lune,
De faire grand carnage, et quand le jour parut,
Dix moutons gisaient morts. “Ô comble d’infortune !”
Bon comédien, le loup sanglotait tant et plus,
Consolant les brebis, en parfait hypocrite.
Il leur promit justice, aide et sécurité ...
Les moutons apeurés louèrent son mérite,
Et plus aucun n’osa parler ... de liberté !
AG
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