Elle dormait depuis longtemps
Dans la vitrine d’un musée,
Quand, de passage, un grand savant
S’écria, la mine enjouée :
« Quelle merveilleuse statue !
On dirait du gallo-romain.
Sa provenance est inconnue …
Mais quels sont ces curieux dessins
Dont tout son corps est recouvert ?
Je n’en connais point de semblables …
Elle a de superbes yeux verts,
Leur beauté est incomparable ! »
Dans une ville on l’emporta
Avec précautions infinies.
Durant dix ans il l’étudia,
Puis un jour, à l’Académie :
« Chers confrères, ma joie déborde :
Voici la déesse Epona,
Fait exceptionnel, je l’accorde,
Gravée de signes mayas !
Tout a commencé un dimanche … »
Moi, la statue de la déesse Epona ? Vous délirez, cher professeur ! Je ne suis hélas que celle … de Livia ! Oui
Livia, la bonne, enfin une esclave de notre maître Caïus.
Il faut dire qu’il l’aimait bien Livia, notre maître ! Il m’avait fait sculpter pour m’avoir toujours avec lui. Livia aussi
l’aimait bien …
Et puis un jour, notre maîtresse m’a trouvée dans les affaires de son mari.
Quel scandale ! Elle a attrapé le premier stylet venu et m’a griffée de partout. Elle m’aurait mise en morceaux si elle avait
pu ! Puis elle m’a jetée aux ordures !
C’est là, des siècles après, que des archéologues m’ont retrouvée, en fouillant avant la construction d’un parking. A l’époque, on
n’avait pas assez d’argent pour m’étudier, alors on m’a exposée simplement dans le petit musée de la ville …
Je pense que je vais y retourner, mais avec une belle étiquette, toute pleine de jolies choses à mon sujet.
A propos, si vous rencontrez le professeur, s’il vous plaît, ne lui apprenez pas la vérité. Il est tellement gentil avec moi, un
peu gâteux bien sûr, mais avec le temps je me suis attachée à lui. A son âge, cela lui ferait trop de mal, il est si heureux de sa découverte !
Alors promis, vous ne direz rien ? Bon, je suis plus tranquille. Vous comprenez, c’est mieux ainsi … pour tout le
monde !
Livia*
AG
* Enfin ... sa statue. Non, je ne prends pas la grosse tête !
image flickr