La Plume bleue est un blog de poèmes et nouvelles écrits simplement au fil des jours, de l'actualité, des événements de la vie. Vous y trouverez également des textes en "parlanjhe" poitevin. Bonne visite !
Paul CEZANNE - Les joueurs de cartes
Au café « L'Abreuvoir », seuls clients, Alfred et Auguste discutent, accoudés au comptoir devant un énième apéritif. Georgette, la patronne, rince les verres. Entre un troisième pilier de bar, Lucien, dit Lulu.
Lulu – Salut la compagnie ! Comment ça va, ce matin ?
Alfred – Comme ça. Qu'est-ce que tu bois, Lulu ?
Lulu – La même chose.
Alfred – Georgette, remets-nous ça, s'teplaît ! (Georgette sert les trois apéritifs.)
Lulu – Merci ma belle ! Je t'offre un café ?
Georgette – Tu es gentil, Lulu, mais j'ai à faire en cuisine, Appelez si vous avez besoin ! (Elle sort. Elle ne reparaîtra pas de toute la scène.)
Lulu - Dites, les gars, vous avez vu Narcisse, ce matin ?
Auguste – Comment ? Tu sais pas la nouvelle ?
Lulu – Quelle nouvelle ?
Auguste – Ben il est mort !
Lulu – Mort ? Ça par exemple ! Mort, que tu dis ?
Alfred – Pour sûr ! Il est mort, le pauvre Narcisse... et ça encore, c'est pas le pire !
Lulu – Quelqu'un d'autre est mort ?
Alfred – Non, mais... Ah ! dis-lui, toi, Auguste, moi, j'ai pas le cœur...
Lulu – Expliquez-vous, enfin !
Auguste – Ce que veut dire Alfred, c'est que Narcisse a été... comment dire ? (Tout bas) Empoisonné !
Lulu – Empoisonné ? Mais par qui ?
Alfred – Ah ça !... Le malheureux ! (Alfred pleure)
Auguste- (Tout bas) On dit, enfin, à ce qu'on a entendu dire, que c'est sa femme.
Lulu – La Valentine ?
Auguste – Oui.
Lulu – Pas possible ! Ça alors ! Mais j'ai vu Narcisse hier soir, il était en pleine forme ! On a parlé, tiens, de Valentine justement. Tout allait bien. On s'était donné rendez vous ici ce matin, comme tous les jours.
Alfred – Ça, c'était hier soir. (Il renifle et s'essuie les yeux avec son mouchoir) Il est mort ce matin, après avoir pris son petit déjeuner. Pauvre Narcisse !
Lulu – Oui, pauvre Narcisse, un copain de service militaire ! On a fait nos classes ensemble au 1er Spahi, à Spire, en Allemagne ! Un si bon gars ! J'arrive pas à le croire !... Mais alors, peut-être que le poison était dans son café, ou dans la confiture ? Tiens, dans son verre de cognac qu'il prend tous les matins ?
Auguste – Va savoir... Les gendarmes font leur enquête...
Lulu – Un si bon copain ! Et pas avare pour payer sa tournée ! Un bon vivant, solide comme un roc !
Alfred – Pour sûr ! Une quinzaine d'apéritifs par jour, ça lui faisait pas peur... Un rude gaillard en pleine santé!... Mourir comme ça, quelle misère ! Et empoisonné par sa propre femme ! Elle qu'on voyait à la messe tous les dimanches avec ses airs de sainte nitouche ! A qui se fier de nos jours?
Lulu – J'en suis tout retourné ! Est-ce qu'on a une idée du poison qui a servi à... ?
Alfred – Pas de l'arsenic, en tout cas, J'ai vu tout à l'heure Hilaire, le brigadier. C'est mon cousin. Paraît qu'il est sur une piste. Il m'en a parlé, mais j'ai pas le droit de le dire. C'est le secret de l'enquête.
Auguste – Tu pourrais nous le dire, quand même !
Lulu – Oui Alfred, un secret, ça se partage entre amis, tu crois pas ? On est amis, pas vrai ? Allez, Alfred, raconte ! Allez !
Alfred – Bon d'accord, mais bouche cousue, hein ?
Les deux autres – Promis juré !
Alfred – Sa femme l'avais mis au régime depuis deux ou trois jours à cause de son cholestérol...
Lulu – C'était plutôt bon pour lui, ça !
Alfred – Oui, mais elle lui avait supprimé l'alcool, le vin, tout ça... (Tout bas) Elle lui faisait boire... que de l'eau !
Lulu – De l'eau ? Malheureux ! Alors, pas besoin de chercher plus loin : c'est ça le poison ! C'est l'eau qui l'a tué !
Auguste – Tu penses, il avait pas l'habitude !
AG
Tableau scolaire Armand COLIN
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