Narcisse Pibolon s'est fait arrêter par les gendarmes. Vous n'êtes pas au courant ? Pourtant, à l'époque, cette histoire a fait le tour de la commune !
C'était un samedi matin, un mois avant les élections municipales auxquelles se présentait Narcisse contre la liste du maire en place, Barnabé Galurin, "cet incapable", disait-il.
Donc, Narcisse revient de la foire de Taupignac où il a acheté une douzaine de canetons et trois oisons.
Il roule tranquillement au volant de sa voiturette, quand il aperçoit sur le côté droit de la chaussée, un hérisson. Il donne un coup de volant pour l'éviter juste au moment où, venant de Broute-Lumas, débouche l'estafette des gendarmes. Ceux-ci demandent à Narcisse de s'arrêter.
-Bonjour Monsieur Pibolon. Gendarmerie Nationale. Vos papiers, s'il vous plaît !
-Mais vous me connaissez bien. Que voulez-vous faire de mes papiers ?
-C'est la procédure, vous le savez bien !
Narcisse sort ses papiers.
-Tout est en règle ! dit le gendarme.
-Vous voyez bien !
-Oui, mais vous rouliez à gauche, Monsieur Pibolon ! C'est interdit par le Code de la Route !
-Je ne roulais pas à gauche, c'était juste pour éviter une bestiole !
-Désolé ! Mon collègue et moi-même avons constaté l'infraction, je dois verbaliser.
-Mais attendez ! Il y a un témoin !
-Dans ce cas, c'est différent, Qui est ce témoin ?
-Ben, l'hérisson !
-Lérisson, c'est son nom ?
-Ben, je n'en vois pas d'autre...
-Prénom ?
- … (Il rit.)
-Adresse ?
-Dans un buisson, sans doute ! (Il rit de plus en plus.)
-Monsieur Pibolon, tout cela ne me semble pas très clair ! Avez-vous pris de l'alcool ce matin ?
-Risque pas ! Je ne bois que de l'eau. Ma femme vous le dira.
-Soufflez quand même dans ce ballon, s'il vous plaît.
-Vous ne me croyez pas, moi qui serai peut-être votre futur maire ?
-Si, si, bien sûr, mais la loi, c'est la loi, vous me comprenez...
-Oui, oui... C'est tout à votre honneur, Brigadier, je vais souffler. (Il souffle.)
-Test négatif !
-Ah ! Qu'est-ce que je vous disais ?
-Mais le témoin ?
-C'est un hé-ris-son, la bestiole que j'ai évitée !
-Un hérisson ?
-Oui ! Vous n'auriez quand même pas voulu que j'écrase cette pauvre bête, moi, Narcisse Pibolon, président du parti Radicau-Nature Verte ?
-Il ne s'agit pas de cela, mais vous étiez à gauche !
-Je ne dis pas le contraire.
-Si encore on retrouvait le hérisson...
-Il n'y a qu'à le chercher ! dit Narcisse.
Et les voilà tous trois à fureter dans les buissons ; mais le hérisson était loin, vous pensez !
-Faites-moi un procès ! dit Narcisse. Je ne veux pas qu'on dise que le futur maire de la commune, un élu de la République, ne respecte pas le loi. La justice doit être la même pour tout le monde ! Allez-y, Brigadier, écrivez !
Le brigadier rédige le procès et Narcisse signe: "Narcisse Pibolon, voter Pibolon, c'est choisir la Raison".
Là-dessus, chacun s'en va de son côté, les gendarmes avec leur procès et Pibolon avec ses canetons et ses oisons qui commençaient à avoir soif, les pauvres.
Les gendarmes roulaient depuis un moment, quand, au carrefour de Pied de Grole, ils voient sur le côté droit de la route, un petit crapaud. Le Brigadier donne un coup de volant pour l'éviter, mais au même moment arrive en face, à bride abattue, le curé sur sa bicyclette.
Coup de frein. Le curé a failli aller au fossé !
-Mais enfin mon fils, vous rouliez à gauche, ça ne se fait pas !
-Excusez, mon père, c'était pour éviter un crapaud ! Ça va, vous n'avez rien ?
-Alors, Dieu vous pardonne. Non, non, tout va bien. Bonne journée, Brigadier !
-Bonne journée, Monsieur le Curé !
Tout cela s'est passé il y a bien trois ou quatre ans. Narcisse n'a pas été élu, mais il attend toujours sa contravention !
AG